Nous voici au temps des fêtes, entre Noël et le jour de l’An. En quelque sorte, il s’agit pour chacun de nous d’un court répit nous préparant à la veille et au jour de l’An proprement dit.
Or, pour les Romains qui sont encore à Rome, un beau dimanche du temps des fêtes est l’occasion parfaite d’une promenade en famille. Et… vous connaissez la fameuse réponse de saint Ambroise à propos d’une question de saint Augustin : « À Rome, fais comme les Romains. »
Rien de plus simple à accomplir lorsque vous vivez dans le centre historique. Il s’agit de choisir. La tendance est souvent de s’éloigner le plus possible, mais parfois les trésors sont si près qu’on tend à les mépriser.
Tout juste en face de l’église de San Benedetto in Piscinula se trouve l’île Tibérine. Complètement recouverte de constructions, un hôpital, le Fatebenefratelli et deux églises forment les principales attractions des badauds plus intéressés aux choses sérieuses que les bars laitiers ou les vendeurs de babioles. Toutefois, sous les pierres et le ciment, les lits de fortune des vagabonds et quelques palmiers s’y cache la grande histoire d’une petite île. Un petit jeu de mots, en effet, mais pourtant bien vrai.
Tout comme notre petite église, les origines de l’île se perdent dans la nuit des temps. A un tel point, que l’histoire débute par une légende qui fait remonter la formation de l’île à l’an 509 av. J.-C.
Lors de la chute de Tarquin le Superbe, septième et dernier roi de Rome, les moissons qui lui appartenaient au Champ de Mars furent, sur l’ordre du Sénat, jetées dans le Tibre. L’amoncellement des gerbes recouvertes du sable que charrie le fleuve aurait forme une véritable île qui, plus tard, fut consolidée par des constructions.
Une autre légende, plus répandue, explique de la manière suivante comment cette île fut consacrée à Esculape :
Pendant la peste qui sévit à Rome en 293 av. J.-C., le Sénat, après avoir consulté, suivant l’usage, les livres de la Sybille, envoya des ambassadeurs a Épidaure, où se trouvait le principal sanctuaire d’Asclépios, le dieu grec de la médecine; un des serpents conservés dans le temple comme symboles vivants de la divinité entra de lui-même dans leur navire qui le ramena à Rome. En remontant le Tibre, arrivé aux portes de Rome, il s’élança dans l’île et y disparut. Sa venue fit cesser le fléau…
En souvenir de cette manifestation divine on éleva dans l’île un temple consacré au dieu Esculape, ainsi qu’un hôpital pour les malades, et elle fut reliée aux rives par deux ponts qui existent encore.
Plus tard, on ajoutera de nouvelles constructions pour maintenir les terres de l’île et on lui donna, en décorant les deux pointes en forme de poupe et de proue, l’aspect d’un gigantesque vaisseau ancré devant Rome, dont un obélisque placé au centre figurait le mât.
La proue a disparu depuis longtemps. Il ne reste aujourd’hui qu’un fragement de la poupe, fort mutilé d’ailleurs, et qui a été dégagé en 1899. On y distingue encore un bas-relief représentant un buste humain que l’on reconnaît être celui d’Esculape, d’après le voisinage du bâton sur lequel s’enroule le serpent symbolique.
L’île, sorte de « Lourdes » païenne, fut plus tard imbibée du sang des martyrs et jusqu’à nos jours sa vocation auprès des malades grâce à la communauté des frères de l’ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu (depuis 1584).
Les deux églises, Saint Barthélémy, construite au Xe siècle sur les ruines du temple d’Esculape et Saint Jean Calibita, du saint dont on a retrouvé les reliques sous l’autel lors de la reconstruction de l’église au XVIIe siècle, possèdent elles aussi une belle histoire qu’il vaudrait la peine de raconter dans un prochain billet.
Sur les photos, je vous offre une vue général de l’île. Nous entrerons dans les détails plus tard. Je vous invite à bien regarder la photo prise du pont Cestio. Mise à part les éléments modernes, vous pouvez admirer la même vue sur notre église que celle dont aurait jouie sainte Françoise Romaine lorsqu’elle remis en place miraculeusement le bras d’un pauvre homme tranché par un coup d’épée et, très probablement, de sainte Rita de Cascia qui, elle aussi, le traversa lors de son pèlerinage aux basiliques de Rome. Un peu de la « petite histoire » de l’île…
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